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L’hydroxychloroquine n’était donc pas un remède miracle contre le Covid. L’étude scientifique qui soutenait cette thèse a été définitivement enterrée par l’éditeur qui l’avait publiée il y a cinq ans
C’est la fin de la baudruche scientifique la plus spectaculaire de l’épidémie de covid. Souvenez-vous : alors que la pandémie battait son plein, en 2020, Didier Raoult et son équipe de l'IHU de Marseille avaient publié des travaux qui semblaient démontrer l'efficacité miracle contre le coronavirus d’un « vieux » médicament, l'hydroxychloroquine associée à une autre molécule. Il s’en était suivi une ruée sur le cocktail, mais aussi, très vite des mises en garde de la part de la communauté scientifique, qui trouvaient l’étude bancale, voire frauduleuse. Cette étude a été rétractée hier par Elsevier, son éditeur.
Rétractée, qu’est-ce que ça veut dire ?
Rétractée, ça veut dire désavouée. Sur le plan scientifique, cela signifie que son contenu n'est plus valide. En d'autres termes, qu’il était faux. C’est ce qu’Elsevier a reconnu après avoir tout décortiqué.
Qu’est-ce qu’Elsevier, l’éditeur, reproche à cette étude ?
Le fait que l'expérience a été modifiée pour aboutir à des résultats prédéfinis. Pour donner quelques exemples : l’échantillon était trop petit : 26 patients traités et le groupe témoin, c’est-à-dire des patients non-traités pour comparer l’évolution des guérisons, ne correspondait pas aux règles scientifiques. Des patients décédés, ont été exclus de l'analyse, parce que leur sort ne correspondait pas au résultat attendu. Les données ont été grossièrement manipulés. Les équipes de Didier Raoult n’ont pas réussi à expliquer tous ces faits quand ils ont été sollicités.
Elsevier a fini par reconnaître qu’il n’aurait jamais dû publier cette étude. On peut vraiment regretter qu’il la rétracte si tard, mais il a fait l’objet de menaces de procès de Didier Raoult et de son équipe, un argument tout sauf scientifique.
Ca aurait changé quelque chose que l’étude soit retirée plus tôt ?
Oui : cette étude qu’on peut désormais qualifier de frauduleuse a fait perdre un temps précieux dans le traitement de l’épidémie, au niveau mondial. Elle s’est transformée en totem, défendu par des fans, y compris des politiques, des élus, qui avaient fait de Didier Raoult une sorte de gourou, au mépris des évidences scientifiques et statistiques. Pire : il a depuis été démontré que le traitement a causé une surmortalité de 11% chez les personnes auxquelles il a été appliqué. Selon certains spécialistes en pharmacologie, des dizaines, voire des centaines de milliers de morts dans le monde sont dû au traitement. Cette folie, qui a aussi emporté certains médias, a eu des conséquences graves.
C’est une fin de carrière piteuse pour Didier Raoult.
Les travaux qu’il a continué de publier sur le covid et l’hydroxychloroquine ont tous été entachés de biais graves. Une autre étude qui portait sur plus de 30 000 patients, a été rétractée en 2023. Elle fait même l’objet d’un procès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Didier Raoult, microbiologiste à l’égo surdimentionné, devenu star des complotistes, a été mis à la retraite d’office en août 2021 , banni de la communauté scientifique, suspendu symboliquement pour deux ans par l'Ordre des médecins. Il va maintenant devoir répondre d’essais illégaux dans d’autres dossiers de recherche. Il a toujours des fans. Des gens qui ne sont toujours pas atteignables malgré l’incroyable somme des preuves.