La rentrée devait être l'occasion de repartir du bon pied. Emmanuel Macron, fragilisé début juillet par l'affaire Benalla, était censé profiter d'un voyage au Danemark et en Finlande qui s'annonçait tout ce qu'il y a de plus tranquille. C'était sans compter l'avalanche de difficultés qui s'est abattue sur le président en une semaine. La démission fracassante de Nicolas Hulot, mardi, dont le chef de l'État n'avait pas été prévenu, puis les cafouillages et polémiques sur le prélèvement de l'impôt à la source, les "Gaulois réfractaires au changement" ou encore la nomination de Philippe Besson au consulat général de Los Angeles.
En toile de fond, les résultats économiques ne sont pas au rendez-vous. Mercredi, l'Insee a révélé une croissance timide de 0,2% au deuxième trimestre, confirmant que l'objectif de +2% sur l'année 2018 était inatteignable. Les enquêtes d'opinion viennent, elles, enfoncer le clou : la rentrée d'Emmanuel Macron sera difficile. D'autant que s'y ajoute un appel à la grève le 9 octobre prochain pour protester contre la politique sociale du gouvernement.
Une démission fracassante
La démission de Nicolas Hulot est probablement le plus difficile à encaisser. Intervenue soudainement, elle a mis en lumière plusieurs faiblesses de l'exercice du pouvoir macronien. D'abord, son incapacité à s'emparer de l'écologie. Si nombre de députés et de membres du gouvernement sont immédiatement montés au créneau pour défendre le bilan de Nicolas Hulot, le principal intéressé a, lui, jeté un constat très sévère. "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'utilisation des pesticides ? Est-ce que nous avons commencé à enrayer l'érosion de la biodiversité ? Est-ce que nous avons commencé à nous mettre en situation d'arrêter l'artificialisation des sols ? La réponse est non", a asséné l'ex-ministre sur France Inter. "Je ne veux plus me mentir, je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là."
En partant, Nicolas Hulot a également pointé du doigt l'influence des lobbies "dans les cercles de pouvoir. Il faut poser ce sujet sur la table, c'est un problème de démocratie". Sa démission est une aubaine pour l'opposition, surtout celle de gauche, qui met bien plus en avant l'écologie dans ses propositions que celle de droite. Et apporte toujours plus de grain à moudre à ceux qui estiment que le président mène une politique déséquilibrée, trop à droite, et trop proche des intérêts privés.
Une déclaration et une nomination polémiques
La suite de la semaine a semblé peu maîtrisée par l'exécutif. Emmanuel Macron avait à peine réagi à la démission de son ministre de la Transition écologique ("c'est une décision personnelle", "je respecte sa liberté et je souhaite pouvoir toujours compter sur [lui] sous une autre forme et là où il sera") qu'il enchaînait avec une remarque sur les "Gaulois réfractaires au changement" pour désigner les Français. D'aucuns y ont vu une manière de détourner l'attention du séisme provoqué par la démission de Nicolas Hulot. Reste que la petite phrase alimente le procès en mépris déjà intenté contre le président. Preuve que le contre-feu n'était pas vraiment l'objectif, Emmanuel Macron a tout de même tenu, jeudi, à se justifier. "J'aime la France et les Français", a-t-il déclaré en direct d'Helsinki au milieu de plusieurs minutes d'explication. Pour un président qui s'est juré de ne pas parler de politique nationale à l'étranger, cela commence à faire beaucoup.
Et ce n'est pas tout. Depuis la Scandinavie, Emmanuel Macron a également dû nier tout "copinage" dans la nomination de l'écrivain Philippe Besson, auteur d'un livre élogieux sur sa campagne présidentielle, au poste de consul général de France à Los Angeles.
Une réforme du prélèvement qui patine
Il a, enfin, publiquement laissé entendre qu'un report de la réforme du prélèvement de l'impôt à la source était possible. "J'ai besoin d'une série de réponses très précises", a déclaré le chef de l'État. "J'ai demandé aux ministres compétents de répondre à toutes les questions qui se posent encore, avant de donner une directive finale." Au même moment, sur Twitter, le ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui avait confirmé quelques heures plus tôt seulement sur Europe 1 que la réforme se ferait bien, s'affichait en photo avec des agents du fisc chargés d'informer les citoyens. Dans la majorité s'instille le doute et quelque agacement. "Il n'est pas question que ce soit reporté", peste le député LREM Laurent Saint-Martin dans les colonnes du Figaro vendredi. "Ça fait un an qu'on travaille avec la direction des finances publiques."
Une chute inquiétante
La difficile semaine s'est soldée, vendredi, par de mauvais sondages. Selon une étude BVA pour Orange, RTL et La Tribune, Emmanuel Macron et Edouard Philippe chutent de 5 points, recueillant respectivement 34 et 38% d'opinions positives. Une dégringolade d'autant plus amère que Nicolas Hulot, lui, a pris trois points et reste en tête des personnalités dont les Français souhaitent qu'elles aient davantage d'influence (38%). L'institut BVA note "une certaine rupture dans l'image présidentielle, articulée autour de deux griefs : des pratiques politiques qui manquent d'exemplarité et une sensibilité trop forte aux intérêts économiques".
Pour Edouard Lecerf, directeur général adjoint de BVA, il faut également observer "l'intensité" de l'impopularité, par ailleurs relative (François Hollande était à 32% d'opinions positives au même moment de son quinquennat). Les Français qui disent avoir une "très" mauvaise opinion du président "ont progressé de 10 points en un mois". "Il y a quelque chose de nouveau dans cette flambée d'anti-macronisme", estime le sondeur sur Europe 1.
Des dossiers explosifs à venir
Du côté du gouvernement, on sait que la rentrée sera chargée et pas plus aisée. Il n'en a pas fini, notamment, avec le prélèvement à la source. Mais nie tout flottement. "Il est quand même surprenant que le fait que nous y passions du temps soit une surprise", a noté Benjamin Griveaux, porte-parole, vendredi, avant de charger "l'impréparation" de la réforme sous François Hollande. "Nous n'allons pas mettre en place une réforme dont nous pensons qu'elle pourrait générer des difficultés ou des incompréhensions pour nos concitoyens." L'exécutif devra également faire passer le budget 2019, qui commence d'ores et déjà à être critiqué, entre désindexation des retraites et report d'une baisse de cotisations patronales.
Mais avant cela, il faudra surtout négocier le remaniement. Vendredi, Benjamin Griveaux a certifié que le gouvernement serait de nouveau "au complet" mardi, pour un conseil des ministres mercredi et un séminaire gouvernemental dans la foulée. L'équation reste complexe. Faut-il remplacer poste pour poste, tout en sachant qu'aucune personnalité n'a l'exact profil de Nicolas Hulot ? Ou en profiter pour faire de plus vastes changements et repartir du bon pied ? Quoi qu'il en soit, l'exécutif refuse de voir un contexte plus compliqué qu'à l'ordinaire. "Chacun prévoit, autour du 15 août, une rentrée difficile, sous tension. C'est la même chose dans tous les journaux, dans toutes les conversations", a ironisé Benjamin Griveaux. "Cette rentrée n'échappe pas à la litanie de ce qu'on lit depuis vingt ans."