Tariq Ramadan, visé depuis le 13 avril 2018 par une plainte déposée à Genève pour séquestration et viol, va être entendu par la justice suisse à Paris. Après un an et demi de tergiversations entre les magistrats français et suisses, ce seront finalement ces derniers qui se déplaceront dans la capitale française à l’automne prochain, ont appris Europe 1 et Libération de source proche de l’enquête.
Une "situation inacceptable" pour les avocats de la plaignante
Les avocats de la plaignante avaient fini par déposer un recours contre la lenteur de la justice suisse, le 3 juillet, dénonçant "un déni de justice" et une "situation inacceptable" pour leur cliente. Depuis sa plainte déposée le 13 avril 2018, Brigitte*, qui accuse Tariq Ramadan de viol et séquestration, mais aussi de violences, dans un hôtel genevois en 2008, n’a été entendue qu’une fois.
Cinq mois plus tard, le parquet de Genève avait ouvert une instruction pour "viol" et "contrainte sexuelle" avant que l’enquête ne patine. Une série d’auditions et de confrontations étaient pourtant prévue les 28 février, 14 et 21 mars dernier, mais tout avait été annulé à la dernière minute.
"Risque de soustraction à la justice"
D'après des documents qu’Europe 1 a pu consulter, les autorités françaises ont indiqué à la justice suisse qu’une "mainlevée du contrôle judiciaire de Tariq Ramadan n’était pas envisageable […] au regard du risque de soustraction de l’intéressé à la justice française".
Mis en examen pour viol et viol aggravé dans deux dossiers et accusé par une troisième femme en France, l’islamologue, qui a longtemps nié tout contact avec ses accusatrices avant de reconnaître des relations "consenties", est sous contrôle judiciaire depuis sa sortie de détention provisoire, en novembre 2018, après 10 mois de prison. D'après une source proche de l’enquête, Tariq Ramadan aurait pris des libertés avec son contrôle judiciaire, n'ayant pas répondu à une convocation.
De son côté l’avocat de Tariq Ramadan, Me Emmanuel Marsigny, conteste cette version et précise que la convocation à laquelle l’islamologue n’a pas répondu "avait été adressée à une adresse inexacte", par l’expert que son client a finalement pu rencontrer. Par ailleurs, l'avocat dément toute velléité de fuite, soulignant qu’à sa sortie de détention provisoire, Tariq Ramadan "a même spontanément remis son second passeport dont les juges n’avaient aucune connaissance".
Répondant à la demande des autorités françaises de disposer du dossier, la justice suisse a envoyé copie de la plainte et du rapport de police en mars et obtenu que la France exécute une demande d’entraide internationale, c’est-à-dire qu’elle permette aux magistrat et enquêteurs suisses de venir entendre l’islamologue en France. D'après nos informations, ce sera le cas à l’automne prochain.
*Le prénom a été modifié