Nathalie, 47 ans, a perdu son frère dans un accident de voiture. Le conducteur, l'un de ses amis, avait bu et n'avait pas le permis. Elle avait seulement 18 ans à l'époque, et a mis dix ans à accorder son pardon, même si l'homme qui a causé la mort de son frère ne le lui a jamais demandé. Elle s'en est ouverte à Olivier Delacroix, jeudi sur Europe 1.
"Au moment de l'annonce de la mort de mon frère, on n'y croit pas, on hurle. Un hurlement bestial, animal, sauvage. Après ça, on se calfeutre dans un déni qui va durer quelque temps. On attend toujours un appel, une visite de sa part, et rien n'arrive. Après le déni, la colère arrive très vite.
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À plusieurs reprises, j'ai recroisé l'ami de mon frère qui était à l'origine de l'accident de voiture. Il se comportait avec moi avec une indifférence totale, comme si ça n'était pas arrivé. On s'est par exemple croisé deux ou trois fois dans un bar. Là, il me mettait une petite tape dans le dos en me disant : 'Salut Nathalie, comment ça va ?'… Comme si de rien était. Je n'ai jamais vu de remords en lui, et je n'ai jamais eu de demande de pardon de sa part. Et jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais senti de culpabilité chez ce garçon. C'était donc très difficile. De jour en jour, la colère a été nourrie.
Un procès s'est tenu quelque temps après. L'ami de mon frère a été condamné à seulement cinq ans d'interdiction de passer son permis. Je l'ai vécu comme une injustice. Surtout, on a su que deux ans après, il conduisait à nouveau. C'était difficile à avaler. Après le départ de mon frère, on le vivait comme une deuxième injustice. Toutefois, aucune peine prononcée à son égard n'aurait pu m'apaiser. La mort de mon frère dans ces circonstances a été une sacrée claque, pour moi qui avais 18 ans à l'époque, et je savais que rien n'aurait pu le ramener.
Pour mes parents, ça a été très difficile. Pour ma maman, c'était comme si on lui arrachait un enfant. Et ce n'est pas la logique des choses, puisqu'un parent doit partir avant son enfant. Mon père, lui, était très proche de mon frère. Il y a eu beaucoup de dommages collatéraux. Notamment parce que mes parents et ceux du conducteur se connaissaient indirectement, car les miens étaient commerçants et sa maman était cliente. À plusieurs reprises, elle est venue 'harceler' mes parents dans leur magasin. Au moment de l'accident, elle est arrivée sur place avant la police, et elle s'est faite passer pour la conductrice.
J'ai choisi de pardonner au bout de dix ans. Ce n'était pas tant un besoin de donner à l'autre ce pardon, mais moi, j'avais besoin d'être en paix dans mon cœur. La haine, la rancœur, ça vous ronge, ça vous bouffe à l'intérieur. Quand j'ai pardonné, j'ai senti que je me libérais d'un poids.
Il s'avère que tous les ans, à la date et l'heure anniversaire du décès de mon frère, j'appelais la maman du conducteur, pour lui souhaiter bon anniversaire à elle. Ce que j'ai arrêté de faire la dixième année. Le deuil, le pardon, c'est une acceptation de la situation. Aujourd'hui, je n'ai plus de tristesse. Les souvenirs sont là, mais désormais, quand j'en parle, c'est fluide. Je n'ai plus de nœud au niveau de la gorge. Quand le pardon est donné, on le sait, on le sent.
Aujourd'hui, j'ai le sentiment de mieux avancer dans ma vie. Toutes les épreuves vous rendent plus fort."
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