Un homme a été tué et un autre grièvement blessé par des tirs de gendarme à Thio, dans l'est du territoire, portant à onze le nombre de décès depuis le début du soulèvement mi-mai, a indiqué à l'AFP le procureur de Nouméa.
Les faits, qui font l'objet de trois enquêtes distinctes, se sont déroulés lors d'une opération de déblaiement d'une route provinciale jeudi à l'aube, a par la suite détaillé dans un communiqué le procureur de la République, Yves Dupas.
Les gendarmes tentaient vers 6H00 du matin de dégager cet axe, entravé par une "vingtaine d'individus" qui l'avaient notamment barré d'un engin de chantier. La situation a dégénéré et un gendarme a été blessé au visage par un jet de pierre.
"Tir de riposte"
"L'escadron de gendarmes mobiles était violemment pris à partie, dans leur manoeuvre de dégagement de l'axe, en subissant des jets de pierre, des cocktails Molotov et des tirs d'arme à feu" auxquels ils ont "riposté", a décrit le procureur Dupas. Lors de ces affrontements, un premier "homme parmi les assaillants" est blessé à 6H30 "au niveau du cou" et son "pronostic vital" reste "engagé".
Dix minutes plus tard, du fait d'un autre "tir de riposte", "un homme était atteint au niveau de la tête", a écrit Yves Dupas. Cet homme de 43 ans, habitant de la localité de Thio, est mort durant son transfert vers l'hôpital, toujours selon le procureur de la République.
Deux des trois enquêtes ouvertes concernent les faits de violences à l'encontre des forces de l'ordre. Pour la troisième, a précisé Yves Dupas, "le parquet a saisi l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) de l'enquête sur les conditions de l'usage des armes par les gendarmes mobiles", notamment "sur les qualifications de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
Cette éruption de violences intervient trois mois presque jour pour jour après le début des émeutes sur ce territoire ultramarin du Pacifique sud, le 13 mai dernier. Depuis, même si l'intensité du bras de fer lié à une réforme du corps électoral est largement redescendue ces dernières semaines, la sécurité n'est pas totalement rétablie.
Sur l'archipel, ravagé par des semaines d'émeutes, de pillages et économiquement à genoux, des affrontements sporadiques se poursuivent et l'île principale, Grande Terre, reste inaccessible par la route en raison de l'insécurité.
Les militants indépendantistes, guère satisfaits par la suspension de la réforme électorale qui avait mis le feu aux poudres - ils en demandent le retrait pur et simple -, continuent de se mobiliser dans la rue, comme ce mardi au troisième mois de l'embrasement.
Toujours sous couvre-feu
Le transfert et le placement en détention en métropole de sept militants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), groupe accusé par le gouvernement d'avoir orchestré les émeutes, a lui aussi choqué. Depuis, deux ont été placés sous contrôle judiciaire mais doivent rester dans l'Hexagone.
Une situation toujours suffisamment tendue pour justifier, aux yeux du Haut-commissariat (le représentant de l'Etat sur ce territoire), le maintien d'un couvre-feu de 22H00 à 05H00, de même que l'interdiction du port et du transport d'armes et la vente d'alcool.
Les violences qui touchent la Nouvelle-Calédonie, ùarquée par les décès de onze personnes dont deux gendarmes, ont aussi entraîné une importante vague de départs. Encore difficile à quantifier, le phénomène inquiète en raison des lourdes conséquences qu'il pourrait porter, notamment sur le système de santé. Selon les chiffres du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, les destructions, pillages et incendies ont causé au moins 2,2 milliards d'euros de dégâts.