"C'est évidemment un loi d'égalité homme-femme", lance Grégoire Théry mardi. Le secrétaire général du de l'association "le Nid" appelle l'Assemblée nationale à faire "fi" de son "sexisme" pour voter mercredi le projet de loi pénalisant les clients de prostituées. Ce texte, qui prévoit de nouveaux droits pour les travailleurs du sexe, est loin de faire l'unanimité.
1.500 euros d'amende. Après un long travail législatif, les députés étudieront pour la troisième fois mercredi le texte sur la prostitution. La mesure la plus marquante prévoit de sanctionner l'achat d'actes sexuels d'une contravention de 1.500 euros. Il inverse donc la charge pénale : ce n'est plus la prostituée qui est pointée du doigt, mais le client. "Si vous êtes client de la prostitution, face à des femmes en grande fragilité, vous n'aurez plus le droit de profiter de votre avantage économique", analyse Grégoire Théry. "Pour être pleinement efficace, je soutiens que la loi devra prendre en compte la nécessité de réduire la demande, et donc responsabiliser les clients. On ne peut pas faire comme s'ils n'étaient pas des acteurs du système", avait défendu, en 2014, Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes et porteuse du projet.
De nouveaux droits pour les prostitués. Le texte fait d'ailleurs évoluer le statut des prostituées, considérées comme victimes et non plus comme délinquantes. Il met, en effet, un terme au délit de racolage, lorsque les prostituées abordent des potentiels clients sur la voie publique pour tenter de les "séduire". Autre avancée importante du texte : l'octroi de titres de séjour à des travailleuses du sexe. Jusqu'à aujourd'hui, cette possibilité était conditionnée à la dénonciation par les prostituées de leurs proxénètes. Ce ne sera plus le cas. Enfin, un fonds "pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des personnes prostituées" devra être créé pour 2016.
Un texte loin de faire l'unanimité. Le texte fait encore largement débat. Soutenu, notamment par des femmes, autant par des élus de droite que de gauche, il avait pourtant été refusé par le Sénat en deuxième lecture en octobre dernier. En première lecture, l'Assemblée avait voté le projet, avec un hémicycle essentiellement composé de femmes.
Dans le monde associatif, le projet est aussi loin de faire l'unanimité. En mars dernier, le Strass (Syndicat des travailleurs du sexe), avait dénoncé un texte qui "isole les prostituées, les précarise, accroît leur insécurité, et augmente les risques sanitaires auxquels elles et ils font face". Les détracteurs du texte craignent que la pénalisation des clients pousse les prostituées qui ont le plus besoin d'argent à se cacher encore plus. Ce qui risque de les rendre encore plus exposées aux éventuelles dérives de leurs clients. Laure Courret, de Médecins du monde, s'inquiète d'une "position idéologique et moraliste qui ignore la réalité du terrain" et va "fragiliser davantage des personnes déjà très fragiles". Médecin de monde demande "l'abandon" de cette mesure, saluant toutefois l'"accompagnement social" que promet la nouvelle loi.
Les députés auront le dernier mot sur ce texte. Mais son parcours législatif n'est pas terminé : il fera un nouveau passage au Sénat, puis un éventuel ultime vote à l'Assemblée, si les sénateurs ne votent pas le texte conforme.