Camouflet pour Abercrombie & Fitch. La Cour suprême des Etats-Unis a fustigé lundi le refus de la marque américaine d'employer Samantha Elauf, qui s'était présentée voilée à son entretien d'embauche. Dans une décision quasi-unanime, la plus haute instance du pays a jugé que la discrimination religieuse à l'embauche n'était pas tolérable, même quand le potentiel salarié ne demande pas explicitement à l'employeur d'adapter le règlement à sa pratique.
L'affaire remonte à 2007, lorsque Samantha Elauf, 17 ans à l'époque, avait postulé en tant que vendeuse dans une boutique Abercrombie pour enfants, en Oklahoma. Elle portait un foulard islamique noir au moment de la rencontre avec l'employeur mais s'était vue refuser le poste.
Supposer que le foulard est islamique. L'entreprise s'est défendue, en assurant qu'il ne s'agissait pas de discrimination, puisque Samantha Elauf, 17 ans à l'époque, n'avait pas mentionné sa confession et encore moins demandé à pouvoir s'habiller différemment des autres vendeurs, astreints à des tenues osées. La jeune fille affirmait au contraire que son éventuel employeur ne pouvait pas ignorer qu'elle était musulmane. L'un des neufs juges qui a présenté la décision a estimé qu'"ici, l'employeur a au moins supposé que [le port du foulard] était de nature religieuse. Son refus d'embaucher était donc motivé par le désir d'éviter d'autoriser cette pratique, et cela suffit".
Aux Etats-Unis, la loi interdit la discrimination religieuse à l'embauche, sauf si l'employeur démontre qu'il ne peut pas "aménager raisonnablement" son activité pour la conformer à une pratique religieuse.
Lors d'un premier procès, la jeune femme avait obtenu 20.000 dollars de dommages et intérêts. Mais le procès en appel avait penché en faveur de l'entreprise, ce qui avait poussé Samantha Elauf a déposer un recours devant la Cour suprême, soutenue par un organisme officiel de défense des employés.
Abercrombie retourne sa veste. Depuis l'audience devant la Cour suprême, Abercrombie, sentant probablement le vent tourner, a renoncé à ses mannequins aux torses nus et aux abdos saillants et a décidé de ne plus appeler ses vendeurs des "mannequins" : ils sont maintenant des "représentants de la marque". "Cette affaire remonte à 2008, (...) A&F s'est engagé depuis longtemps en faveur de la diversité et de l'intégration et, conformément à la loi, a accordé nombre d'aménagements religieux quand ils étaient demandés, y compris le foulard", a réagi une porte-parole d'Abercrombie.