Une petite pause estivale et ça repart. La commission d'enquête du Sénat chargée de faire la lumière sur l'affaire Benalla, du nom de ce collaborateur élyséen accusé d'avoir molesté des manifestants le 1er mai alors qu'il n'était qu'observateur auprès des forces de l'ordre, s'apprête à reprendre ses travaux mercredi. De la fin juillet à début août, déjà, de nombreuses personnalités issues du gouvernement et de l'Élysée mais aussi des forces de l'ordre avaient été auditionnées. Désormais, les sénateurs emmenés par Philippe Bas, président LR de cette commission, vont chercher à éclaircir plusieurs points restés obscurs. Notamment les missions exactes d'Alexandre Benalla auprès du président de la République.
Alexandre Benalla plie face au Sénat. L'ancien chargé de mission de l'Elysée se rendra finalement devant la commission d'enquête du Sénat, a-t-il fait savoir mardi soir par communiqué. "Afin d’éviter les poursuites judiciaires dont on me menace je vais être contraint de me rendre devant cette commission si une convocation officielle m’est adressée. Toutefois je ne pourrai répondre à aucune question concernant les faits dont la justice est saisie", a expliqué l'ancien chargé de mission. Alexandre Benalla avait fait part mardi après-midi de son intention de ne pas être entendu par les sénateurs avant la fin de l'instruction judiciaire, dans laquelle il est mis en examen pour des violences contre un manifestant le 1er mai à Paris.
Qui a déjà été entendu par la commission d'enquête ?
Jusqu'ici, les sénateurs ont auditionné pas moins de 13 personnes. Du côté de l'Élysée, le directeur du cabinet du président de la République, Patrick Strzoda, et le secrétaire général du Palais, Alexis Kohler, ont été entendus. Et ce, afin de comprendre les missions dévolues à Alexandre Benalla, ainsi que de déterminer qui lui avait donné l'autorisation d'être observateur lors des manifestations du 1er mai.
C'est aussi pour essayer de trouver d'où venait cette autorisation, ainsi que de mettre au jour les éventuels manquements au sein des chaînes hiérarchiques qu'ont été entendues des personnes chargées du maintien de l'ordre ce fameux 1er mai. Michel Delpuech, préfet de police de Paris, Marie-France Monéger-Guyomarc'h, directrice de l'Inspection générale de la police nationale, Eric Morvan, directeur général de la police nationale, Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale ont été convoqués.
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Pour essayer d'en savoir plus sur les relations qu'entretenait Alexandre Benalla avec les services de sécurité de la présidence, les sénateurs ont entendu Lionel Lavergne, chef du groupe de sécurité du président de la République, et les syndicats de la police nationale. Ces derniers ont fait état de rapports exécrables avec le collaborateur, contrairement à ce qu'ont affirmé la plupart des personnes auditionnées.
Enfin, les sénateurs ont complété leurs auditions avec Christophe Castaner, délégué général de LREM, Michel Lalande, préfet de la région Hauts-de-France où s'était rendu en déplacement Emmanuel Macron accompagné d'Alexandre Benalla, et Jacques Toubon, défenseur des droits. Quant au ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, et son chef de cabinet, Jean-Marie Girier, ils ont été entendus pour tenter de savoir s'ils étaient ou non au courant des agissements du collaborateur élyséen.
Quels sont les points qui restent à éclaircir ?
Tout au long des auditions, les sénateurs en ont appris plus sur le travail et la personnalité d'Alexandre Benalla, mais aussi le déroulé précis des événements du 1er mai. Cependant, plusieurs choses restent à déterminer.
D'abord, les missions précises d'Alexandre Benalla auprès du président de la République. Toutes les personnes interrogées ont martelé qu'il n'agissait pas dans le cadre d'un service de sécurité parallèle et n'était pas doté de hautes responsabilités. Mais cela n'a pas convaincu Philippe Bas. "Il n'est pas exclu qu'un certain nombre de réponses faites aient été concertées", estime celui-ci dans une récente interview au Figaro. "La thèse officielle d'un employé qui se consacrait uniquement à une fonction d'organisation sans prendre part à la protection du président nous paraît pour le moins fragile." La commission d'enquête sénatoriale n'a toujours pas reçu la fiche de poste et le salaire d'Alexandre Benalla, malgré des demandes répétées auprès de la présidence, indique également le président de la commission des Lois dans les colonnes du quotidien.
Nous ne pouvons prendre pour argent comptant la réponse officielle [qui] consiste à dire que M. Benalla aurait été suffisamment sanctionné.
À charge également pour les sénateurs de déterminer s'il y a eu une faute des diverses chaînes hiérarchiques concernées (forces de l'ordre, ministère de l'Intérieur, Élysée) concernant la sanction administrée à Alexandre Benalla. De fait, personne n'a jugé bon de saisir l'article 40 du code de procédure pénale, qui oblige toute autorité ou tout fonctionnaire à avertir le procureur de la République lorsqu'il a connaissance d'un crime ou d'un délit. Ce que Philippe Bas ne s'explique pas. "Nous ne pouvons prendre pour argent comptant la réponse officielle [qui] consiste à dire que M. Benalla aurait été suffisamment sanctionné par sa suspension suivie d'une rétrogradation et que la transmission au Parquet aurait été du seul ressort de l'Élysée", assène le sénateur dans Le Figaro. Qui voudrait également comprendre pourquoi Alexandre Benalla n'a pas immédiatement été licencié par le Palais.
Quelles nouvelles auditions sont programmées ?
Dès mercredi, les sénateurs auditionneront trois personnes. D'abord, François-Xavier Lauch, chef de cabinet d'Emmanuel Macron. Objectif : s'intéresser aux missions d'Alexandre Benalla auprès du président. Puis, ce sera au tour du général Eric Bio-Farina, commandant militaire de la présidence de la République. Ce dernier avait déjà été entendu par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale le 25 juillet. Le réentendre doit permettre de faire toute la lumière sur sa déclaration, lors de laquelle il avait contredit la version d'Alain Gibelin, directeur de l'ordre public et de la circulation (DOPC). Alain Gibelin, également auditionné par les députés, a expliqué par deux fois qu'il n'avait jamais donné l'autorisation à Alexandre Benalla de venir observer les manifestations du 1er mai. Le général Bio-Farina, lui, a parlé d'un dîner fin avril, au cours duquel le DOPC aurait bien parlé de la venue du collaborateur en observation.
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Enfin, la troisième personne auditionnée mercredi sera Maxence Creusat, commissaire de police à la DOPC. Son témoignage est capital : Maxence Creusat était présent le 1er mai place de la Contrescarpe lorsqu'Alexandre Benalla s'en est pris à un couple de manifestants. De plus, c'est également lui qui a transmis au collaborateur élyséen un extrait des vidéos captées par les caméras de surveillance à ce moment-là. Il est donc mis en examen pour "détournement d'images issues d'une vidéo protection" et "violation du secret professionnel". Néanmoins, son interrogatoire sera serré : en raison de la séparation des pouvoirs législatifs et judiciaires, les sénateurs ne peuvent poser des questions qui entrent dans le cadre d'une instruction. Le même problème se pose pour l'audition d'Alexandre Benalla lui-même. Celui-ci pourrait répondre sur ses missions à l'Élysée, mais pas sur les événements du 1er mai, qui font l'objet d'une enquête. Dès lors, la marge de manœuvre des sénateurs est mince.