De quand datent les dernières grandes déclarations d'Emmanuel Macron sur les réfugiés ? Il y a bientôt un an, pendant la campagne présidentielle, celui qui n'était encore que candidat saluait la politique d'Angela Merkel et son ouverture des frontières. Après son élection, la parole sur le sujet s'est faite plus rare. Jusqu'à ce que l'actualité brûlante, et les critiques grandissantes, ne laissent plus d'autre choix au chef de l'Etat. Ce dernier consacrera une bonne partie de sa semaine à la politique d'asile et d'immigration, passant d'abord à Calais mardi, avant d'en discuter lors d'un sommet franco-britannique jeudi.
Réponse aux attaques. L'heure est en effet venue pour le président de reprendre la main. Jeudi dernier, Emmanuel Macron est sorti de son silence depuis Rome, où il était en déplacement. Et a vertement répondu à Jean-Marie Gustave Le Clézio, Prix Nobel de littérature, qui dénonçait dans L'Obs un "déni d'humanité insupportable" dans le traitement des migrants. "La France n'est pas fermée", a répété le chef de l'Etat, appelant à "se garder des faux bons sentiments". "Il faut avoir de la détermination, de l'efficacité et de l'humanité. L'humanité sans l'efficacité, ce sont de belles paroles. L'efficacité sans l'humanité, c'est de l'injustice." Illustration parfaite du "et en même temps" présidentiel, ces déclarations d'équilibriste doivent désormais s'accompagner d'actes.
Car depuis l'élection d'Emmanuel Macron, la politique gouvernementale à l'égard des migrants n'a cessé d'être dénoncée par plusieurs associations. Elle a également fait débat au sein du groupe parlementaire LREM. Et le président est resté très discret, laissant le soin à Gérard Collomb de monter au créneau, puis d'esquisser les grandes lignes de son projet de loi immigration et droit d'asile. Parfois, aussi, la parole élyséenne est intervenue à contretemps. Comme ce 23 juin 2017, devant le conseil européen. Le chef d'Etat français répétait alors que l'accueil des réfugiés relevait de "l'honneur" de l'Union européenne. "Nous devons [les] accueillir", martelait-il. Pourtant, le jour même, en déplacement à Calais alors que le Défenseur des droits appelait à un meilleur traitement des migrants, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb se montrait beaucoup moins ouvert, craignant un "appel d'air". De même, le 31 décembre dernier, lors de ses vœux, Emmanuel Macron, avait de nouveau fait la distinction entre réfugiés et migrants économiques, mais sans trancher la question de la circulaire du ministère de l'Intérieur qui instaurait un recensement administratif dans les hébergements d'urgence, très contestée par un monde associatif qui y voyait un "tri".
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Déplacement à Calais. Cette semaine sera donc déterminante pour le chef de l'État, qui enchaîne deux déplacements d'importance sur le sujet. Mardi, Emmanuel Macron se rendra à Calais où, en dépit du démantèlement du camp, 600 migrants survivent encore dans des conditions précaires. Le président aura la lourde tâche, en quelques heures, de rencontrer tous les acteurs de cet épineux problème pour appréhender la cohabitation entre migrants, associations qui les aident, riverains et forces de l'ordre. Outre prendre la température sur place, ce tour d'horizon doit permettre à Emmanuel Macron de préparer une seconde rencontre, jeudi, avec les autorités britanniques cette fois.
Les accords du Touquet sur la table. En effet, le sommet franco-britannique de Sandhurst, dans le sud de Londres, sera l'occasion pour les autorités des deux pays de mettre sur la table la question des accords du Touquet. Signés en 2003, ceux-ci stipulent que les agents britanniques et français peuvent effectuer des contrôles indifféremment sur l'île ou sur le continent pour filtrer les entrées sur leur territoire. Dans les faits, comme bien plus de migrants cherchent à passer de France en Grande-Bretagne que l'inverse, la quasi-totalité des contrôles se font sur le territoire français. En échange, Londres a régulièrement augmenté les moyens alloués à la surveillance de la frontière, finançant par exemple des dispositifs sécuritaires. Mais pour bon nombre de politiques hexagonaux, les accords du Touquet restent déséquilibrés et doivent être renégociés.
D'autant que le référendum en faveur du Brexit donne un argument supplémentaire à Paris contre Londres. "Le jour où le lien [entre le Royaume-Uni et l'Union européenne] se défait, les migrants ne seront plus à Calais", disait déjà Emmanuel Macron en 2016, alors qu'il était encore à Bercy, au Financial Times.
Londres rechigne. Plutôt qu'une renégociation, la France pourrait s'orienter vers un "protocole additionnel aux accords" du Touquet. C'est ce qu'a dit Gérard Collomb dans Le Parisien de dimanche. Le ministre de l'Intérieur a évoqué "des mesures concrètes de prise en charge d'un certain nombre de coûts" mais aussi "d'un plus grand nombre de personnes, au titre de l'accueil des réfugiés et des mineurs non accompagnés", par les Britanniques. À charge pour Emmanuel Macron d'obtenir des garanties de la part de son homologue Theresa May qui, jusqu'ici, a toujours rechigné.