Le don du sang, les dons d'organes ? Vous en avez forcément entendu parler. Mais quid du don de lait maternel ? Alors que le lactarium d'Ile-de-France lance un appel aux dons en raison d'une situation de pénurie préoccupante, Europe 1 s'est penché sur cette pratique méconnue mais qui améliore les chances de survie des prématurés.
Le lait maternel, un vrai besoin pour les prématurés. Le choix d'allaiter relève d'une décision strictement personnelle et les laits infantiles sont désormais très au point. Pour les bébés prématurés, nés à 32 semaines ou pesant moins de 1.500 grammes à la naissance, cependant, le lait maternel a des propriétés nutritionnelles essentielles, selon les spécialistes. "Cela réduit la morbidité des prématurés", affirme Virginie Rigourd, pédiatre et responsable du lactarium d'Ile-de-France tandis que Jean Charles Picaud, président de l'Association des lactariums de France et chef de service du lactarium de Lyon, est formel : "le lait maternel aide à la maturation de l'intestin et au développement cognitif des prémas".
Or, les mères qui ont accouché de manière prématurée ne sont souvent pas en mesure - physiologiquement et psychologiquement - d'allaiter leur nourrisson. Et même lorsque c'est le cas, la première semaine, elles ne peuvent pas donner leur lait car les tests sérologiques n'ont pas encore été effectués. D'où ce besoin de recourir à du lait maternel qui a été recueilli auprès de donneuses avant d'être pasteurisé par un lactarium.
Le manque de dons de lait maternel, un problème récurrent. Malgré son rôle clef pour la santé des prématurés, le don de lait maternel reste très peu connu et le manque de dons qui en découle est un problème récurrent depuis des années. C'est tout particulièrement vrai en région parisienne. Ainsi, la semaine dernière, le lactarium d'Ile-de-France a lancé, un nouvel appel aux dons aux femmes qui allaitent. "Au mois de juillet, on eu seulement seize inscriptions de donneuses alors qu'en moyenne on en compte 80 par mois ou, au pire, une cinquantaine durant l'été", précise Virginie Rigourd.
Même ailleurs qu'en région parisienne, le problème est "connu", souligne le Pr Jean Charles Picaud. "Cela arrive de temps en temps", "on sort tout juste d'une période de pénurie", "il y a des hauts et des bas"… de Poitiers à Montpellier en passant par Strasbourg, tous les lactariums contactés par Europe 1 font état du même son de cloche. Les périodes noires ? "L'été et les congés de fin d'année", estime le Pr Jean Charles Picaud qui évoque aussi, cette année, un mois de mai difficile à cause des nombreux ponts.
Sur les 19 lactariums qui existent en France, celui de la région parisienne a toutefois tendance à être "davantage en manque que les autres", selon Virginie Rigourd. Cela s'explique par plusieurs facteurs selon elle : la proportion de population défavorisée (moins encline à allaiter que les populations aisées), le fait que les femmes ont tendance à reprendre plus vite le travail (ce qui ne favorise pas la pratique de l'allaitement) et encore l'absence de congélateur suffisamment grand à domicile (pour stocker le lait maternel avant la collecte par le lactarium). Les besoins sont pourtant importants en Ile-de-France : sur les 10.000 prématurés qui naissent chaque année en France, près du quart sont pris en charge en région parisienne.
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Un don spécifique et peu médiatisé. "Le don de lait maternel fonctionne surtout par le bouche à oreille", regrette Virginie Rigourd, responsable du lactarium d'Ile-de-France. "La sensibilisation pourrait avoir lieu lors des cours de préparation à l'accouchement, par voie d'affichage dans les maternités ou lors des visites à la PMI", explique-t-elle en déplorant que le recrutement de donneuses ne fonctionne que sur la bonne volonté de quelques personnels soignants sensibilisés à la question.
L'Association des lactariums de France ne cache pas ne pas avoir les moyens de mener des campagnes médiatiques. Du coup, chaque lactarium se débrouille comme il peut : "lorsqu'on a eu une pénurie il y a quelques mois, on a contacté la presse locale", raconte Simone Saumureau, responsable de service de néonatologie au Centre Hospitalier du Cotentin à Cherbourg.
"La population de donneurs potentiels est moins grande que celle pour le don du sang et le don de lait maternel apparaît comme moins vital que la greffe d'organes", avance Jean Charles Picaud, chef de service du lactarium de Lyon, pour expliquer la méconnaissance du grand public.
"Pourtant, les femmes en mesure de donner sont réceptives lorsqu'elles sont informées", assure Virginie Rigourd qui insiste sur le fait que ce don de lait maternel n'est en rien préjudiciable à l'allaitement de son propre enfant : "il y a une grande méconnaissance de la physiologie de l'allaitement mais plus on vide un sein, plus il se remplit". Et la professionnelle de santé de détailler : "il n'y a pas de conditions d'exclusion mais une prise de sang doit être effectuée. On peut donner du lait une semaine ou plusieurs mois".
Pour s'inscrire pour un don au lactarium d’Ile-de-France : 01 71 19 60 47
Pour contacter un autre lactarium : le site de l'association des lactariums de France