La promesse enterrée. "Une loi régulera, voire prohibera certaines pratiques qui nous semblent excessives et donnera davantage de place aux représentants des salariés dans les instances qui fixent les rémunérations", avait promis Pierre Moscovici, le 24 juillet dernier. Cette promesse vient d'être enterrée par le même Pierre Moscovici. Dans un entretien aux Echos daté de vendredi, le ministre de l’Économie annonce qu'"il n’y aura pas de projet de loi spécifique sur la gouvernance des entreprises".
L'" autorégulation exigeante". Exit donc toute contrainte, à l'instar de celle qui existe dans le public où une échelle de un à vingt entre les salaires à ne pas dépasser a été imposée. Pour le privé, le gouvernement mise désormais sur "une autorégulation exigeante". Pierre Moscovici explique ainsi avoir rencontré la semaine dernière la présidente du Medef, Laurence Parisot, et le président de l’Association française des entreprises privées (Afep), Pierre Pringuet. Les deux représentants "se sont engagés à présenter rapidement un renforcement ambitieux de leur code de gouvernance". Ils se disent ainsi prêts à "recommand[er] le 'Say on Pay', qui permettra à l’assemblée des actionnaires de se prononcer sur la rémunération des dirigeants", souligne Pierre Moscovici. Mais le ministre insiste : "attention : si les décisions annoncées ne sont pas à la hauteur, nous nous réservons la possibilité de légiférer".
Le "Say on Pay" fait-il baisser les salaires ? Le principe est donc que tous les actionnaires d'une entreprise votent la rémunération des dirigeants, et non simplement le conseil d'administration, souvent accusé de copinage. La méthode existe dans une douzaine de pays en Europe, même de très libéraux comme la Suisse et la Grande-Bretagne. Et pour cause, il n'est pas vraiment contraignant. Les actionnaires organisent un vote simplement consultatif. Le conseil d'administration continue ensuite de fixer la rémunération des patrons. Si jamais il ne suit pas le vote des actionnaires, il devra simplement s'expliquer. De plus, avec une loi, ce vote aurait été obligatoire. En laissant les entreprises s'auto-réguler, on accorde donc un peu plus de souplesse aux patrons. Enfin, les dirigeants sont même plutôt favorables aux principes. Car, dans les pays qui le mettent en œuvre, les actionnaires n'ont même jamais voté de salaires à la baisse.
L'action concentrée sur la taxe à 75%. Reste donc l'autre projet du gouvernement pour mettre fin aux rémunérations abusives. "J'ai décidé de concentrer l’action législative sur la contribution de 75% sur la part des rémunérations dépassant un million d’euros, qui sera acquittée par l’employeur", souligne Pierre Moscovici. Le dispositif a été modifié pour éviter une nouvelle sanction du Conseil constitutionnel : ce ne seront plus aux salariés payés plus d'un million d'euros par an de s'acquitter cette taxe mais aux entreprises qui les paient. La taxe, qui doit s'appliquer durant deux ans, "sera soumise au Parlement dans le cadre du budget 2014", indique Pierre Moscovici.