Que changerait le Brexit pour les expatriés français ?

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ZOOM - Droit de séjour, de travail, santé, retraite, scolarisation des enfants : un Brexit affecterait sérieusement la vie des expatriés.

Le 23 juin prochain, les Britanniques se prononceront pour le maintien ou non du Royaume-Uni au sein de l’Union européenne. Le débat passionne les sujets de Sa Majesté mais il concerne par ricochet bien plus de monde, et notamment les 300.000 à 400.000 Français installés outre-Manche. En effet, un Brexit pourrait changer les règles du jeu dans bien des domaines, du droit d’installation au droit de travail en passant par l’accès au système de soin ou éducatif. Europe 1 a fait le tour des cabinets d’avocats français ou francophone installés au Royaume-Uni et de sites spécialisés tels qu'Expat Assure pour esquisser les conséquences possibles d’un tel scénario.

• En termes de droit de séjour et d’installation. Aujourd’hui, un Français n’a pas besoin d’un visa pour se rendre au Royaume-Uni ni d’une carte de séjour ou d’un permis de résidence pour s’y installer : une simple carte d’identité suffit et un passeport est recommandé. Dans le pire des cas, un Brexit mettrait fin à ces facilités : passé les six premiers mois, il faudrait alors demander une carte de résidence valable cinq ans, puis une carte de résident permanent.

Le rétablissement de "barrières" pour les étrangers est d’ailleurs au cœur des débats sur le Brexit, mais il ne vise pas vraiment les Français : les partisans d’une sortie de l’Europe dénoncent surtout le dumping que provoqueraient les immigrés venus des pays de l’Est et le tourisme médical. Il est donc probable qu’en cas de Brexit, le Royaume-Uni accorde un traitement spécial à la France, comme il l’a déjà fait avec la Suisse. D’autant plus que l’Hexagone abrite lui aussi une importante communauté d’expatriés britanniques, les deux pays ont donc tout intérêt à s’entendre. En revanche, les ressortissants de Bulgarie et de Roumanie, pour qui le Royaume-Uni a longtemps maintenu des démarches administratives supplémentaires, auraient du souci à se faire.

• En termes de travail et de retraite. Aujourd’hui, un expatrié français n’a pas besoin de permis de travail pour pouvoir exercer une activité outre-Manche, que ce soit en tant que salarié, indépendant ou chef d’entreprise. L’hypothèse d’un Brexit fait craindre un retour de certaines formalités : obtenir un visa et un permis de travail, lequel pourrait dans le pire des cas n’être délivré que pour les métiers en tension. Les étrangers pourraient également être obligés de gagner un certain niveau de revenus pour avoir le droit de rester dans le pays, comme c'est le cas depuis le 6 avril 2016 pour les extracommunautaires : si ces derniers gagnent moins de 35.000 livres sterling par an, soit environ 3.700 euros par mois, leur permis de travail ne sera pas renouvelé. Mais, là aussi, en tant que voisin et membre de l’Espace économique européen (EEE), la France devrait bénéficier d’un régime de faveur.

Autre sujet d’inquiétude : les cotisations retraites, qui sont aujourd’hui transférable d’un pays à l’autre. En clair, un expatrié qui a cotisé au Royaume-Uni et souhaite revenir en France pour ses vieux jours peut se faire transférer ses droits à la retraite dans l’Hexagone. Cette facilité pourrait disparaître en cas de Brexit mais le sujet est tellement technique qu’il est impossible d’anticiper ses conséquences. Seule certitude, même dans le pire des cas, les cotisations versées par un expatrié ne seraient pas perdues.

17.06.Bandeau.Drapeau Royaume-uni angleterre.ADRIAN DENNIS  AFP.1280.300

• En termes d’impôts. Dans ce domaine-là, l’impact d’un Brexit serait très limité, et pour cause : la fiscalité ne fait pas partie des prérogatives de l’UE. Le Royaume-Uni et la France ont conclu en dehors des traités européens une série d’accords bilatéraux pour régler la situation fiscale de leurs ressortissants respectifs et  éviter parce exemple la double imposition. Les règles actuelles ont donc peu de chances d’évoluer à court terme.

• En termes de santé. Actuellement, les Européens expatriés ont accès au service public de santé, le NHS, au même titre que les Britanniques. Les résidents qui ne viennent ni d’un pays de l’UE ni de l'EEE n’ont pas les mêmes facilités : au moment de demander leur visa, ils doivent également payer une contribution pour pouvoir accéder au NHS (de 150 à 200 livres sterling selon le statut). Si le Royaume-Uni quitte l’UE, les Européens expatriés pourront donc avoir à payer cette taxe de santé, le temps que Londres et leur pays d’origine trouvent un accord pour éviter de telles démarches.

Un Brexit pourrait aussi changer la donne pour les touristes en vacances outre-Manche. Aujourd’hui, le simple fait de disposer de la carte européenne d’assurance maladie leur permet de se faire soigner sans soucis. Si ce système vole en éclat, les plus précautionneux devront peut être souscrire une assurance voyage et santé privée avant de partir en vacances, comme c’est déjà le cas pour ceux qui visitent les Etats-Unis ou le Canada et ne veulent pas prendre le risque de se retrouver avec une facture à cinq voire six chiffres en cas de soucis de santé.

• De très nombreuses incertitudes. Même si les Britanniques optaient pour le Brexit, les expatriés bénéficieraient de plusieurs garde-fous. D’une part, les traités prévoient un minimum de deux années de transition pour que les personnes concernées puissent prendre leurs dispositions. En outre, le droit international stipule que les personnes qui ont acquis des droits ne peuvent se le voir retirer, même si les accords qui les ont rendu possibles sont annulés. Les expatriés de longue date devraient donc bénéficier d’un statut particulier au regard de leur ancienneté et des impôts et cotisations qu’ils ont versés depuis des années.

Enfin, les Français ont un avantage par rapport à d’autres Européens installés outre-Manche : Paris et Londres entretiennent des relations étroites depuis si longtemps qu’aucune des deux capitales n’aurait intérêt à rompre les ponts. Tous les cabinets d’avocats contactés en sont d’ailleurs convaincus : en cas de Brexit, le Royaume-Uni signerait rapidement un accord bilatéral avec la France qui permettrait de préserver la plupart des facilités dont bénéficient les Français expatriés, mais aussi les quelque 200.000 Britanniques installés en France.

 

Les entreprises tentées de quitter le pays, l'autre incertitude

Les particuliers ne sont pas les seuls à redouter les conséquences d'un Brexit : les entreprises installées au Royaume-Uni pour pouvoir faire affaire avec le reste de l’Europe pourraient revoir leur plans, ne plus investir outre-Manche ou, pire, rapatrier leurs activités sur le sol européen. Un tel scénario aurait forcément des répercussions pour les employés - dont des expatriés - de ces entreprises, provoquant un imbroglio juridique : ces employés pourraient-ils demander réparation si leur entreprise ferme et qu’ils sont licenciés ? Pourraient-ils obtenir l’assurance d’avoir un contrat de travail dans le pays où leur entreprise déménagerait ? Les sous-traitant qui verraient une bonne partie de leurs clients quitter le pays pourraient-ils se retourner contre l'Etat britannique ? De ce point de vue, un Brexit constituerait un grand saut dans l’inconnu.