Après l’échec des négociations, la Grèce est à la croisée des chemins. Soit elle accepte les réformes proposées par ses créanciers et reste au sein de la zone euro au prix de nouveaux sacrifices, soit elle les refuse, en arrive au défaut de paiement et fait un saut dans l’inconnu le plus total. Refusant de tel dilemme, le gouvernement Tsipras a annoncé l’organisation d’un référendum dimanche et milite activement pour le "non" aux réformes. Prenant acte de cette nouvelle donne, la Commission européenne a décidé de sortir de sa réserve : son président Jean-Claude Juncker lance une opération de communication et milite clairement pour le "oui".
Le contexte : l’ère des négociations est révolue. Après cinq mois de discussions à couteaux tirés, la Commission européenne estime désormais que cette méthode ne mènera à rien. D’abord parce que le gouvernement grec a claqué la porte des négociations et a passablement irrité ses partenaires en annonçant un référendum surprise. Ensuite parce que les Etats favorables à une poursuite des débats sont de plus en plus rares : les soubresauts grecs ont convaincu les pays du nord de l’Europe de rester sur une ligne dure et ont lassé les rares pays prêts à accepter de nouvelles concessions. Résultat, il n’y a plus que la France pour tenter encore de rapprocher les points de vue. Sauf rebondissement de dernière minute, aucun sommet européen ne sera donc organisé dans la semaine.
Juncker veut "dire la vérité au peuple grec". Puisque le dialogue est rompu avec le gouvernement grec et que c’est le peuple qui aura le dernier mot, la Commission européenne a décidé de s’adresser directement aux Grecs. Jean-Claude Juncker lance donc une opération transparence afin que les Grecs aient toutes les cartes en main avant de se décider. Le président de la Commission "veut dire la vérité aux Grecs", selon les mots de son entourage.
Ainsi, le président de la Commission européenne a communiqué dimanche soir le contenu de l’accord proposé à la Grèce, via un tweet formulé en grec.
Για την ενημέρωση του ελληνικού λαού και σε πνεύμα διαφάνειας η Ευρωπαϊκή Επιτροπή ενημερώνει. http://t.co/dgkGu2AywX
— Jean-Claude Juncker (@JunckerEU) June 28, 2015
Et, chose rare, ce document a été traduit en grec, qui n’est pourtant pas une langue de travail de l’Union européenne. L’objectif est clair : que les Grecs puissent faire la part des choses entre ce que proposent les créanciers et les comptes-rendus qu’en fait Alexis Tsipras. Alors que ce dernier invite ses concitoyens à voter non lors du référendum, la Commission européenne fait donc ouvertement campagne pour le oui.
"Je demanderai aux Grecs de voter oui, indépendamment de la question posée", a confirmé Jean-CLaude Juncker lundi midi. "Il ne faut pas se suicider parce qu'on a peur de la mort", a-t-il poursuivi, avant de revenir sur les soubresauts des derniers jours : "je suis profondément affligé par le spectacle qu'a donné l'Europe samedi dernier (...) Après tous les efforts que j'ai déployés, je me sens trahi car mes efforts ont été insuffisamment pris en compte". Sous-entendu : la Commission européenne aurait fait de nouvelles concessions sans que les négociateurs grecs en tiennent compte. "La (preuve) nécessaire de bonne foi et de crédibilité dans une négociation est la sincérité", a ironiquement répondu le porte-parole du gouvernement grec.
Cette feuille de route que la Grèce a refusée. En dévoilant le contenu des négociations, Bruxelles veut montrer que le projet d’accord prévoit bien des mesures difficiles, mais aussi des coups de pouce. Dont une enveloppe de 35 milliards d’euros piochés dans les fonds structurels afin de relancer les investissements. Ou encore la promesse de discuter d’une restructuration de la dette, une fois que la Grèce aurait accepté la nouvelle feuille de route alors que le gouvernement Tsipras en faisait un préliminaire.
Les créanciers ne proposent ni "un paquet d'austérité stupide", ni une "baisse des salaires et des retraites", a encore martelé Jean-Claude Juncker. "C'est la Commission qui insistait sur davantage de justice sociale de certaines mesures" dans les négociations avec Athènes, a-t-il ajouté, avant d'assurer qu'il "n'y a pas de coupes dans les salaires dans ce paquet, il n'y a pas de coupes dans les retraites". Reste à savoir si ces arguments convaincront davantage les Grecs que leurs représentants.