Au tour des sénateurs de se pencher sur la réforme de la SNCF. Après les députés, en avril, la chambre haute du Parlement a adopté mardi en première lecture le texte de loi pour un "nouveau pacte ferroviaire", dans une version remaniée. Les sénateurs y ont ajouté plusieurs avancées pour les cheminots, des transferts plus souples pour les agents au fameux capital "incessible" du groupe ferroviaire.
• Quelles sont les garanties apportées par le Sénat aux syndicats ?
Premier constat, le Sénat n’a pas gommé les principes-clés de la réforme : l’ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, la transformation de la SNCF en société anonyme à capitaux publics et la fin des recrutements au statut de cheminot.
À la marge, pourtant, le Palais du Luxembourg a "assoupli" un texte largement critiqué chez les syndicats, à commencer par les transferts d’agents de la SNCF vers d’autres groupes ferroviaires si l’entreprise public perd un marché lors d’un appel d’offres après ouverture à la concurrence. Dans leur texte, les sénateurs obligent la SNCF à proposer un poste de reclassement à tous les cheminots qui consacrent moins de 50% de leur temps de travail à un marché perdu et refuseraient d'être transférés. Les personnels transférés conserveront aussi l'intégralité de leur rémunération, y compris "les allocations", des parts variables de la rémunération qui s'ajoutent au salaire de base. Enfin, entre la troisième et la huitième année après le transfert, un salarié parti chez un concurrent pourra revenir à la SNCF et aura alors le choix entre récupérer tous les droits liés au statut de cheminot ou réintégrer le groupe public en signant un nouveau contrat.
Le Sénat a défini un "périmètre ferroviaire unifié" rassemblant les trois entités actuelles SNCF, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Il a précisé que le capital public serait "incessible", ce qui peut rassurer les syndicats, inquiets contre une possible privatisation. "Pour clore tout faux débat, le terme incessible a été ajouté à titre symbolique", explique le ministère des Transports.
• Que répondent les syndicats ?
S'il y a eu des "avancées importantes" au Sénat, elles restent "insuffisantes", juge la CFDT Cheminots, qui avait négocié des amendements avec le ministère des Transports. Le "conflit historique n'est pas encore terminé", a prévenu mardi la 4e force syndicale à la SNCF. Autre organisation réformiste qui a joué le jeu des amendements, l'Unsa ferroviaire, 2e syndicat à la SNCF, a aussi décidé de rester sur une ligne alliant "opposition ferme et négociations" pour "maintenir la pression" car "rien n'est encore joué" et parce qu'elle espère gagner encore des "améliorations significatives". Satisfaits par l'adoption de ces amendements au Sénat, les deux syndicats réformistes vont-ils faire évoluer leur position quant à la grève ?
Quant à la puissante CGT Cheminots, 1er syndicat, elle voit au-delà du vote de la loi, s'inscrivant d'ores et déjà dans un "processus encore long", ponctué notamment par la rédaction "des décrets d'application", et par les "négociations sur la convention collective nationale de la branche ferroviaire" et celles du "pacte d'entreprise" de la SNCF. Il y a "bien besoin de maintenir la pression" syndicale contre la réforme ferroviaire, dont le projet de loi a été modifié "grâce à la mobilisation" alors que le gouvernement "avait prévu de le plier en 15 jours", a souligné le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez.
• Quel calendrier pour le texte après ce vote ?
Rien n’est encore figé dans cette réforme. D’abord parce qu’une commission mixte paritaire (CMP) devra trouver, lundi, un texte commun pour députés et sénateurs avant le vote définitif de la loi, qui interviendra "au plus tard début juillet" selon le gouvernement. La CFDT espère glaner là de nouvelles avancées sociales, notamment un "volontariat total" pour les transferts de cheminots chez un rival de la SNCF dans le cadre de l'ouverture à la concurrence. Ensuite car Élisabeth Borne a promis la semaine prochaine une table ronde tripartite entre syndicats, patronat du ferroviaire et gouvernement. Celle-ci "doit permettre d'amplifier le rapport de forces" en faveur des cheminots, souhaite la CGT. La grève, elle, se devrait se poursuivre jusqu’à au moins fin juin.