La guerre de tranchées qui opposait depuis près de trois semaines les régions et le patronat au sujet de la réforme de l'apprentissage a pris fin lundi. Les deux parties ont trouvé un terrain d'entente sur la question sensible du pouvoir d'ouvrir et de fermer les centres de formation des apprentis dans chaque région, un pouvoir qui sera désormais partagé entre les branches professionnelles et les régions. Pour le reste de la réforme, le gouvernement a sur sa table depuis lundi le rapport de Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l'emploi du CESE, qui a mené la concertation avec l'ensemble des parties prenantes. Ce rapport formule 44 recommandations. L'une d'entre elles préconise notamment l'instauration d'une journée obligatoire d'information sur l'apprentissage dans tous les collèges de France.
Favoriser l'information. Une journée entière pendant laquelle tous les collégiens de France qui sont en classe de 4ème n'auront ni français, ni maths, ni histoire, ni sport, ni langue vivante. À la place, on leur parlera des métiers, et en particulier les métiers auxquels on accède par l'apprentissage. C'est l'une des principales recommandations du rapport qui propose aussi une seconde journée, un an plus tard, en classe de 3ème. Cette journée, obligatoire elle aussi, servira à expliquer plus en détail aux élèves la voie à suivre s'ils envisagent de se lancer dans l'apprentissage.
Tordre le coup au préjugés. Le but de ces temps d'informations est de casser la mauvaise image de l'apprentissage, encore trop présente dans la tête des jeunes et surtout de leurs parents. Il s'agit de montrer qu'on peut réussir dans sa vie autrement qu'en empruntant le chemin d'une scolarité classique, mais aussi de briser les stéréotypes de genre. Aujourd'hui, les filles ne représentent qu'un tiers du total des apprentis. Si elles sont archi-majoritaires dans la coiffure, l'esthétique, et les spécialités sanitaires et sociales, elles restent archi-minoritaires dans le bâtiment, l'agriculture et l'industrie.
Débloquer l’apprentissage dans le bâtiment
Autre piste évoquée par le rapport, cette fois dans un secteur précis : la possibilité de déroger aux horaires stricts imposés aux apprentis dans le bâtiment. Une contrainte qui jusqu’à présent a freiné les contrats d’apprentissage, comme l'explique José Faucheux, un artisan-couvreur basé en Picardie près de Laon. "On se retrouve avec un apprenti limité à 35 heures, soit sept heures par jour, avec des salariés qui font huit heures par jour. C'est-à-dire que le jeune devrait attendre une heure, assis par terre, que ses collègues aient fini leur journée de travail pour pouvoir rentrer avec eux. On marche sur la tête !", explique-t-il auprès d'Europe 1. "Du coup, au moment où on embauche le jeune, on doit envoyer un courrier à l'inspection du travail dont on dépend, avec un imprimé de demande de dérogation auprès de l'inspecteur et une copie du contrat d'apprentissage […], et puis on est dans l'attente de la réponse de l'inspection, une quinzaine de jours".
Le rapport propose donc d'assouplir cette contrainte en supprimant carrément l'obligation d'obtenir une autorisation de l'inspection du travail. "Aujourd'hui, s'il n'y avait plus besoin de faire cette dérogation à l'inspection du travail, ça permettrait à tous nos collègues de pouvoir embaucher des apprentis sans restriction d'heures et de pouvoir simplifier toutes les démarches, ce serait, à nos yeux, une bonne mesure", insiste José Faucheux.