Dégradations de bâtiments publics, pillages et échauffourées sporadiques ont secoué dans la nuit de jeudi à vendredi de nombreuses villes de région parisienne et de province pour la troisième nuit consécutive après la mort mardi à Nanterre de Nahel, un mineur de 17 ans tué par un policier qui a été mis en examen et écroué pour homicide volontaire. Gérald Darmanin a annoncé que 875 personnes avaient été interpellées dans la nuit. Près de 249 policiers et gendarmes ont été blessés.
En début de soirée, le ministre de l'Intérieur a indiqué que 45.000 policiers et gendarmes seront mobilisés pour la nuit de vendredi à samedi.
Les informations principales :
- 45.000 forces de l'ordre mobilisées, annonce Gérald Darmanin
- Les obsèques de Nahel prévues ce samedi
- Le concert de Mylène Farmer prévu vendredi au Stade de France annulé
- Emmanuel Macron dénonce une "instrumentalisation inacceptable de la mort d'un adolescent"
- Toutes les fêtes dans les collèges et lycées de l'académie de Versailles, la plus grosse de France, sont annulées jusqu'à la fin de l'année scolaire
- Gérald Darmanin a annoncé que 875 personnes avaient été interpellées dans la nuit
- Une enquête pour tentatives de meurtre sur personnes dépositaires de l'autorité publique a été ouverte à Marseille après l'agression de deux policiers en civil dans la nuit
Heurts au centre de Marseille, 49 interpellations
Jets de projectiles contre des véhicules de police, tirs de lacrymogènes, groupes de jeunes le visage masqué et quelques trottinettes brûlées: la tension était palpable vendredi soir au centre de Marseille, quelques jours après la mort de Nahel à Nanterre. La police a annoncé 49 interpellations vers 22 heures parmi ces petits groupes, très mobiles dont certains "tentent des pillages" sur plusieurs artères. Deux policiers ont été blessés légèrement.
La manifestation prévue en mémoire de Nahel, 17 ans tué par le tir d'un policier lors d'un contrôle en début de semaine à Nanterre en région parisienne, et "contre les violences policières" a été interdite par les autorités après les violences de la nuit précédente. "Tout le monde déteste la police": soudain, des dizaines et des dizaines de jeunes se rassemblent, chantent et avancent sur la célèbre rue menant au Vieux-Port, s'approchant de fourgons des forces de l'ordre garés dans une rue adjacente. Certains commencent à lancer des projectiles sur les fourgons, se rapprochent de plus en plus et la police répond par quelques tirs de gaz lacrymogène. Les groupes se dispersent, courent dans de petites rues et le jeu du chat et de la souris se poursuit, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Sur un côté de la rue, un jeune homme silencieux porte une pancarte en carton: "en mémoire de Nahel". "On est en colère pour ce qui s'est passé avec Nahel", disent deux jeunes filles qui sont venues mais ne participent pas aux jets de projectiles. Parfois, quelques jeunes garçons passent en courant, des habits neufs encore sur des cintres et l'étiquette soldes encore accrochée. Plusieurs boutiques ont été pillées, dont celle de l'enseigne de luxe Lancel, complètement dévalisée selon un photographe de l'AFP.
Curieusement, à quelques mètres de là, des pêcheurs sont assis au bord de l'eau sur le Vieux-Port et un couple partagent une pizza. Un couple de touristes de Londres, Sam et Emily, 19 ans, qui préfèrent taire leur nom de famille, se disent "choqués". "Nous venons d'arriver, et il y a la police partout, de la tension, c'est bizarre", disent-ils avant de tenter de trouver un restaurant, ceux du Vieux-Port étant en grande partie fermée par peur de dégradations.
Des tirs de lacrymogène et des cris retentissent à nouveau. Dans une rue menant vers la porte d'Aix, à quelques encablures de là, quelques petits tas brûlent au milieu de la chaussée, détritus, cartons, trottinettes et un véhicule des forces d'intervention du Raid passe en trombe vers le Vieux-Port. Dans les airs l'hélicoptère de la gendarmerie survole la ville tandis que retentissent des sirènes régulièrement.
45.000 policiers et gendarmes mobilisés, annonce Darmanin
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a indiqué que 45.000 policiers et gendarmes seront mobilisés vendredi soir. C'est 5.000 de plus que la nuit précédente. Le ministre a également balayé le recours à l'état d'urgence, dans une interview donnée au journal de 20H de TF1.
Seine-Maritime : un jeune homme meurt en tombant du toit d'un magasin en marge d'émeutes
Un jeune homme est mort vendredi après-midi après être tombé du toit d'un magasin au Petit-Quevilly (Seine-Maritime) dans la nuit de jeudi à vendredi, en marge d'émeutes consécutives à la mort de Nahel, a-t-on appris de sources concordantes.
Le jeune homme d'une vingtaine d'années est mort en tombant à travers le toit d'un supermarché "dans le cadre d'un pillage", selon une source policière, tandis que le parquet de Rouen a précisé pour sa part que ce magasin ne faisait pas "l'objet d'une attaque d'émeutiers lors de ces faits".
Darmanin aux forces de l'ordre : les "prochaines heures vont être déterminantes"
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a écrit vendredi aux forces de l'ordre et aux pompiers en leur disant "compter" sur leur "engagement dans le respect des lois et de la déontologie", alors que les "prochaines heures vont être déterminantes". "Depuis trois jours, notre pays est confronté à des troubles d'une rare violence", écrit le ministre. "Dans ce contexte dégradé, vous avez tenu bon", ajoute-t-il. "Vous avez réagi avec proportionnalité, dans le cadre de la loi", poursuit-il, en les félicitant pour le grand nombre d'interpellations réalisées.
Un total de 875 personnes ont été interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi, 492 bâtiments ont été visés, 2.000 véhicules ont été brûlés et des dizaines de magasins pillés. 249 policiers et gendarmes ont été blessés. Quelque 40.000 membres des forces de l'ordre avaient été mobilisés pour cette troisième nuit de violences après la mort de Nahel, 17 ans, tué mardi par un policier lors d'un contrôle routier.
Les obsèques de Nahel prévues ce samedi
Les obsèques de Nahel, dont la mort causée par le tir d'un policier mardi a suscité trois nuit d'émeutes dans de nombreuses villes de France, sont prévues samedi, a indiqué vendredi Patrick Jarry, le maire de Nanterre, dont le jeune homme était originaire. "Il faut continuer d'entourer cette famille, cette maman qui va enterrer son enfant demain", a déclaré Patrick Jarry devant la presse à l'issue d'une réunion à Matignon, sans donner d'autres détails.
Blindés de gendarmerie, hélicoptères, Raid, BRI et GIGN déployés
La Première ministre Élisabeth Borne a annoncé le déploiement de blindés de la gendarmerie ce vendredi pour faire face aux violences qui touchent depuis trois nuits de nombreuses villes en France. Des "forces mobiles supplémentaires" vont en outre être déployées, a précisé Matignon à l'AFP, ajoutant que des "événements de grande ampleur mobilisant des effectifs et pouvant présenter des risques d'ordre public en fonction des situations locales" seraient annulés.
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Selon les informations d'Europe 1, les 18 blindés de la gendarmerie - soit 14 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG) et quatre Centaures - seront déployés à Paris et sa petite couronne, à Lille, à Metz, à Lyon, à Toulouse et à Nantes. Ce sont les villes où les violences urbaines sont les plus redoutées par les autorités. Toujours selon les informations d'Europe 1, 29 hélicoptères de la gendarmerie seront déployés cette nuit partout en France. Le Raid, la BRI, le GIGN et leurs antennes seront mobilisés à l'instar de la nuit dernière.
Ces décisions font partie des mesures arrêtées sous l'autorité du président Emmanuel Macron lors de la cellule interministérielle de crise qui s'est réunie en milieu de journée au ministère de l'Intérieur. Il y aura également une réunion de ministres à 18h30 avec les plateformes numériques, indique Matignon.
Gérald Darmanin demande l'arrêt des bus et tramways dans toute la France après 21 heures
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé vendredi aux préfets l'arrêt des bus et tramways dans toute la France à partir de 21 heures, après trois nuits d'émeutes urbaines dans tout le pays causées par la mort du jeune Nahel, a indiqué le ministère de l'Intérieur. Le ministre leur a aussi demandé la "prise systématique d'arrêtés d'interdiction de vente et de transport" de mortiers d'artifice, de bidon d'essence, d'acides et de produits inflammables et chimiques.
Gérald Darmanin accordera également une interview au journal de 20H de TF1 ce vendredi soir pour détailler le dispositif de la soirée et les moyens supplémentaires mis en œuvre.
Par ailleurs, le métro parisien fermera ses portes aux mêmes horaires qu'en semaine vendredi et samedi soir, soit une heure plus tôt qu'à l'accoutumée, vers 1 heure du matin, "à la demande de la préfecture de police", a indiqué vendredi Ile-de-France Mobilités. Cette annonce fait suite à la fermeture du réseau francilien de bus et tramways à partir de 21 heures tous les soirs "jusqu'à nouvel ordre", alors que le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a ordonné à tous les préfets d'en faire de même sur tout le territoire.
Fêtes annulées en collèges et lycées dans l'académie de Versailles, au cas par cas pour les écoles
Toutes les fêtes dans les collèges et lycées de l'académie de Versailles, la plus grosse de France, sont annulées jusqu'à la fin de l'année scolaire, tandis que le maintien des kermesses, pour les écoles, sera décidé "au cas par cas", selon un message vendredi de l'académie envoyé aux chefs d'établissement. La décision a été prise "dans le contexte actuel de fortes tensions suite au drame de Nanterre", selon le message de la rectrice, dont l'AFP a obtenu copie. L'académie de Versailles comprend quatre départements de banlieue parisienne, dont les Hauts-de-Seine où se trouve la ville de Nanterre. C'est dans cette ville que le jeune Nahel a été tué mardi par un tir de policier.
Pour les seuls Hauts-de-Seine, "tous les événements devant se dérouler hors du temps scolaire", dont les kermesses et fêtes, sont annulés vendredi, selon un autre message du directeur de l'Education nationale dans le département (DASEN). "Dans le premier degré, une réévaluation sera faite en début de semaine prochaine", est-il précisé. Contacté par l'AFP, le ministère de l'Education nationale indique qu'il n'y a "pas de consigne nationale donnée" aux établissements scolaires concernant l'organisation des fêtes de fin d'année.
Le ministre Pap Ndiaye a appelé jeudi soir les recteurs d'académie à "la vigilance" et la "sécurisation des bâtiments", demandant aussi "pour les écoles les plus touchées, de vérifier que la continuité pédagogique soit bien assurée". La fin juin concentre traditionnellement les fêtes de fin d'année dans les écoles maternelles, élémentaires, les collèges et les lycées. Selon des témoignages recensés par l'AFP, des parents d'élèves en Ile-de-France ont reçu vendredi dans la matinée des messages de la direction de leur établissement, leur annonçant l'annulation de la kermesse prévue le soir même.
Macron dénonce une "instrumentalisation inacceptable de la mort d'un adolescent"
Emmanuel Macron a dénoncé vendredi "une instrumentalisation inacceptable de la mort d'un adolescent" et annoncé que "des moyens supplémentaires" allaient être déployés par le ministre de l'Intérieur après trois nuits d'émeutes urbaines à la suite du décès du jeune Nahel lors d'un contrôle policier à Nanterre.
Lors du Comité interministériel de crise qui s'est tenu au ministère de l'Intérieur, le chef de l'État s'est félicité de la réponse "rapide et adaptée" des forces de l'ordre. Il a par ailleurs appelé "tous les parents à la responsabilité" et a également demandé aux réseaux sociaux le "retrait" de contenus et l'identification d'utilisateurs liés à ces violences urbaines. Selon les informations d'Europe 1, Emmanuel Macron n'a décidé "ni couvre-feu, ni état d'urgence".
"Face à cela, je condamne avec la plus grande fermeté toutes celles et ceux qui utilisent cette situation et ce moment pour essayer de créer le désordre et d'attaquer nos institutions. Ils portent une responsabilité de fait accablante. Et je condamne avec la plus grande fermeté, nous les condamnons tous, ces violences pures et injustifiables qui n'ont aucune légitimité", a poursuivi Emmanuel Macron. Le président s'est félicité de la réponse "rapide et adaptée" des forces de l'ordre.
Le président de la République a également profité de cette prise de parole pour appeler "tous les parents à la responsabilité" qui, selon lui, doivent garder leurs enfants à la maison. "Il est clair que le contexte que nous vivons, on le voit, est la résultante de groupes parfois organisés, violents et équipés, que nous condamnons, que nous appréhendons et qui seront judiciarisés, mais également de beaucoup de jeunes. Un tiers des interpellés de la dernière nuit sont des jeunes, parfois des très jeunes", a observé Emmanuel Macron.
Fin de service pour les bus et trams en Île-de-France à 21 heures jusqu'à nouvel ordre
Le réseau Île-de-France Mobilités annonce que les bus et trams de la région arrêteront leur service à 21 heures. "En concertation avec la préfecture de police, tous les trams et bus en Île-de-France seront arrêtés au plus tard à 21h00. Cette mesure pour la sécurité des agents et des voyageurs, sera reconduite tous les soirs jusqu’à nouvel ordre. Nous vous invitons à anticiper vos déplacements", peut-on lire sur le compte Twitter d'IDF Mobilités.
⚠ En concertation avec la @prefpolice, tous les trams et bus en Île-de-France seront arrêtés au plus tard à 21h00.
— IDF Mobilités (@IDFmobilites) June 30, 2023
Cette mesure pour la sécurité des agents et des voyageurs, sera reconduite tous les soirs jusqu’à nouvel ordre.
Nous vous invitons à anticiper vos déplacements.
875 interpellations, 249 policiers et gendarmes blessés
Gérald Darmanin a annoncé que 875 personnes avaient été interpellées dans la nuit de jeudi à vendredi. Du côté des autorités, on compte, selon Beauvau, 249 policiers et gendarmes blessés. Dans la nuit de jeudi à vendredi, au niveau national, 39 locaux de la Police nationale ont été attaqués, 24 locaux de la Police municipale ainsi que 16 casernes de gendarmerie. 119 bâtiments publics ont également été touchés par les émeutes : 34 mairies et 28 écoles ont notamment été incendiées ou dégradées.