Il y en a déjà 101 depuis le début de l'année 2019. Les féminicides sont au cœur d'un "Grenelle", ce mardi à Matignon. Les associations demandent au gouvernement plus de moyens face à ce fléau et une meilleure prise en charge des victimes. Elles plaident aussi pour que le terme même de "féminicide" figure dans le Code Pénal. Une demande soutenue et relayée par Charlotte Beluet, procureure à Auch dans le Gers, qui s'en explique au micro d'Europe 1.
"L'enjeu, c'est de vraiment nommer les choses"
"Pour moi, l'enjeu, c'est de vraiment nommer les choses. C'est cesser de reléguer la mort de ces femmes au rang de fait divers ou de statistiques", argumente la procureure. "C'est aussi faire le contrepoids à tous ces discours que l'on entend autour du crime 'passionnel'. Parler de féminicide, c'est affirmer qu'il n'existe que des crimes conjugaux et que l'on ne frappe pas et on ne tue pas par amour. Un homme qui frappe sa femme, il ne perd pas le contrôle de lui même. Ce qu'il cherche, c'est à maintenir le contrôle qu'il a sur l'autre", poursuit Charlotte Beluet.
Tout comme l'infanticide ou le paricide, le mot féminicide n’apparaît pas dans le code pénal à l'heure actuelle. Depuis 2017, la loi permet toutefois d'alourdir la sanction en cas de "crime de genre". Il s'agit d'une circonstance aggravante lorsque ce crime est commis à raison du sexe de la victime, de son orientation sexuelle ou de son "identité de genre". Une formulation plus neutre censée respecter le caractère universel du droit français, mais qui intègre le mobile sexiste. Cette circonstance aggravante est venue en compléter une autre qui existait déjà, lorsque l'auteur du meurtre ou des violences est un conjoint ou un ex-conjoint de la victime.
"Cela ne signifie pas que le meurtre d'une femme est plus grave"
Mais pour Charlotte Beluet comme pour les associations, le terme "féminicide" a son importance et n'enlève rien au caractère universel de la loi. "Féminicide, cela ne signifie pas que le meurtre d'une femme est plus grave que le meurtre d'un homme. Cela signifie que ce qui est glaçant et grave, c'est qu'au sein d'un couple une femme puisse être considérée comme une propriété", développe la procureure. Et d'enchaîner : "Parler de féminicide, c'est parler de toutes les autres violences conjugales qui existent à bas bruit dans la société. Il n'y a pas un jour où je n'ai pas un service de gendarmerie ou un service de police qui m'appelle pour une procédure de violence conjugale. Vous imaginez l'ampleur du phénomène".
À l'heure actuelle, rien n'empêche les magistrats et les procureurs d'employer le terme à l'audience pour rendre compte de cette réalité sociétale. Une démarche d'autant plus importante que d'après les observateurs, la circonstance aggravante de sexisme n'est pour l'instant que très peu utilisée.